Je tiens à dire en préambule de cette chronique que l'idée n'est pas de rabaisser les catcheurs cités, je pense surtout aux combattants les plus modestes qui se sont retrouvés prétendants au titre. Vous le savez, si il y a une personne en France qui s'est toujours fait un plaisir de mettre en avant les talents les moins connus du circuit, c'est bien moi.
Il y a un peu moins d'un an, un moment magique prenait forme lors du show anniversaire de la Ring Of Honor. En conclusion de ce pay-per-view commémorant les 15 ans d'existence de la compagnie, un match comptant pour le titre mondial de la ROH opposait le champion Adam Cole au challenger Christopher Daniels. Tous les pronostiqueurs misaient sur une défaite de Cole, lui qui avait réalisé d'excellents essais au Performance Center de la WWE quelques semaines avant le show et qui était promis à une arrivée prochaine à NXT. Ça n'a pas manqué, en effet en ce 10 Février 2017 le vétéran raflait le titre à la jeune pousse et intégrait la prestigieuse liste des détenteurs du championnat du monde Ring Of Honor.
Au-delà d'un changement de champion nécessaire au départ de Cole, cette victoire marquait l'avènement de Christopher Daniels qui, à 44 ans, accédait enfin à son premier titre mondial dans une grande compagnie. Je me rappelle la joie intense qui m'animait le matin où j'avais appris la nouvelle, le "Ring General" avait enfin mis la main sur une ceinture majeure, après presque 25 ans de carrière. J'étais si heureux de voir la ROH récompenser un catcheur qui avait été tant snobé, par la WWE et la WCW dans sa jeunesse, puis par la TNA qui n'avait jamais osé lui enlever l'étiquette de "catcheur X-Division". L'allégresse fut de courte durée, puisqu'au terme d'un règne de trois mois et demi où Daniels a surtout défendu son titre en dehors de la ROH et/ou contre des catcheurs qui ne proposaient aucun réel défi (comme Matt Taven ou Andrew Carter), le quarantenaire passait la main à Cody Rhodes.
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Fausse hype et changement d'identité
La compagnie avait décidé de donner les clés du camion à celui qu'on appelait simplement "Cody", fraîchement parti de la WWE l'année précédente. Histoire d'être honnête je vais le dire tout de suite, je n'ai jamais rien trouvé d’intéressant à ce-dernier, que ce soit dans le ring et au micro. Pour ma défense, je n'étais pas le seul à trouver ce choix douteux, puisque des dizaines de fans exprimaient leurs incompréhensions à la vue d'un Daniel dégagé du main event si rapidement, sans avoir eu une défense de titre de très haut niveau. L'idée derrière ce push était de permettre à la Ring Of Honor de franchir un nouveau palier de popularité. Intention louable, dans la mesure où à la WWE s'ouvrait de plus en plus au Catch indépendant et que la TNA était en train de perdre ses fans aussi vite qu'elle ne changeait de nom.
Changement de look donc pour la ROH, avec un Cody inspiré par le Ric Flair des années 80s, et dont l'attrait fut de symboliser la ceinture de champion par une simple bague. Un personnage très loin de ce que représentait la ligue par le passé, et une gimmick basée sur un jeu de mot (puisque bague se traduit par "ring" en anglais). Dès les cinq premières défenses de titre, le projet Cody montra ses limites. Après un match revanche en deux manches gagnantes où il humilia Daniels avec un cinglant 2-0, le champion enchaîna trois défenses peu médiatisées (toutes dans des promotions autre que la ROH), suivies d'un combat anecdotique contre Kazarian, l’acolyte de Daniels. À ce moment là je n'étais plus le seul ronchon à me plaindre du règne de Rhodes, puisque les critiques de fans se mirent à pleuvoir.
Par chance, la ROH avait un plan en vue de l'un de ses plus gros shows, Death Before Dishonor. Forte de son partenariat avec la NJPW, la compagnie comptait sur un choc entre Cody et le charismatique Minoru Suzuki pour remonter le moral de ses fidèles. Echec cuisant. Au-delà du fait que les rencontres Kenny King vs. KUSHIDA, Silas Young vs. Jay Lethal et MotorCity Machine Guns vs. Young Bucks avaient complètement volé le show, l'affrontement ne correspondait en rien à ce qu'on attend d'un main event Ring Of Honor. Lent, écourté, sans séquences marquantes, le combat n'avait rien de convaincant. Cette fois-ci les commentaires négatifs n'étaient plus l'affaire de quelques puristes exigeants, tous ou presque étaient d'accord pour dire que Cody ne s'en sortait pas aux commandes du vaisseau.
J'avais déjà quitté le navire à ce moment précis, passant la moitié de mes soirées à pleurer, allongé sur un poster de Christopher Daniels, et l'autre moitié à geindre devant mon écran en voyant l'historique des anciens champions ROH. Cette liste immaculée de génies du ring, ayant tous eu des carrières fantastiques, à part peut être Xavier (bien qu'il reste à mon sens un catcheur très sous-estimé par les fans). Désormais la prestigieuse ceinture avait comme challengers des catcheurs quasi-inconnus (Michael Richard Blais, Ryan Nova) ou talentueux mais mis au second plan (Cheeseburger, Scorpio Sky, Rocky Romero). Au final, les seuls prétendants concrets furent Jay Lethal, KUSHIDA et un Christopher Daniels utilisé comme un paillasson avec une énième défaite contre Cody. Je pensais être au bout de mes surprises, avant qu'un nouveau coup du destin vienne me gifler à son tour, je parle bien sur du couronnement de Dalton Castle...
Un manque de talent à l'origine de tout ça ?
Bien qu'étant un personnage intéressant, et assez doué dans son style, Castle marquait une cassure quasi-irréparable avec l'ancienne garde de la ROH. Pour résumer son début de règne, il se limitait à des combats contre Punishment Martinez, qui est tout sauf un grand nom du Catch indépendant et Tarkan Aslan, un vétéran de la scène allemande peu connu du grand public. Une léthargie dans la gestion de la ceinture qui laisse songeur sur comment la Ring Of Honor envisage son présent et son futur avec une telle tête d'affiche. Les dirigeants souhaitent-ils vraiment prendre une direction axée divertissement ? J'en doute, je pense plutôt que la promotion souffre de l'exode de ses stars, toutes parties remplir les rangs de NXT. Souhaitant rester pertinente aux yeux des grands médias, cette-dernière tente alors de mettre en avant des personnages flamboyants et uniques.
Il n'est pourtant pas impossible pour la ligue de retrouver son style d'antan. Bien que je ne prétend pas dicter à des dirigeants chevronnés la manière avec laquelle ils doivent s'organiser, certaines pistes peuvent être étudiées pour redonner de la profondeur au roster. Tout d'abord suivre les tendances actuelles, car si la ROH a vocation à rentrer dans la caste des "majors", elle reste encore une porte-étendard du Catch Indy. Bien sûr, surfer sur la vague du Catch européen ou faire appel de manière constante son alliée qui est la NJPW n'est pas possible pour des raisons économiques, d'autres réservoirs de talents restent néanmoins exploitables, et pas forcément là où on les attend.
Il suffit d'un rien pour relancer la machine
Si le fighting spirit et l'esprit de compétiteur a quitté le vestiaire ROH pour aller se loger dans celui d'EVOLVE, et qu'il parait impossible de voir la promotion rouge et noir signer des gens comme Matt Riddle, Timothy Thatcher ou Keith Lee, elle peut vite s'accaparer les talents qui n'y ont pas encore cédé. Je pense à des gens passés par des sports de combat traditionnels, au style rude et dont le potentiel est immense, citons par exemple David Starr, Jeff Cobb ou encore Tom Lawlor. Une autre piste à explorer est celle que tous les professionnels du Catch ont utilisé au fil des ans, celle des déçus de la WWE. Les rumeurs vont de bon train sur les superstars de 205 Live lassées d'être mal utilisées. Il serait judicieux de rester aux aguets et de signer quiconque tend à être libéré de son contrat.
Les choses vont vite dans le Catch, et un champion exemplaire est le meilleur des remèdes pour sortir une compagnie du gouffre. Le projet mis en place par Sinclair Broadcast Group lui faire perdre a une vitesse folle certains de ses suiveurs, mais une figure tutélaire servirait à elle seule à les récupérer. Des lecteurs pourraient me reprocher de jouer aux vieil aigri qui ne souhaite pas voir le produit varier, et ils auraient bien raison. Je suis peut être un puriste agaçant, mais pour moi, quand on porte un nom aussi éloquent que Ring Of Honor, on se doit de présenter un Catch des plus athlétiques. D'autant plus que notre sport vit ces dernières années une évolution où le réalisme et les catcheurs aux allures de combattants purs occupent le devant de la scène. En attendant de voir le train ROH retrouver une locomotive crédible, je repars m'extasier sur les batailles livrées par Samoa Joe, Kyle O'Reilly, ou Christopher Daniels.